Quelques éléments de l’histoire de Malons-et-Elze
La partie le plus élevée du territoire de Malons est parcourue par une draille qui conduisait l’estive des moutons de la plaine vers le mont Lozère. Sur le plateau du mas de l’Ayre, des pointes de flèches font remonter l’histoire du peuplement de cette commune entre -2800 et 1000 avant notre ère. Les premiers habitants ont donc été des bergers qui ont gravé des figures et autres symboles sur les rochers du Serre de Taravel.
Dans l’antiquité, la région est peuplée par les Celtes : à l’est les Helviens (le Vivarais), au nord les Gabales (le Gévaudan) et au sud les Volques Arécomiques (la Septimanie). Elle fait partie de la province romain de la Narbonnaise et sera toujours incluse dans le Languedoc, jusqu’à nos jours, sous domination wisigothique, puis franque, dans l’empire carolingien , dans la mouvance du comté de Toulouse, puis le royaume de France. Pendant tous ces siècles, se développent des défrichements en même temps que la christianisation de ces terres. En 843 la partie vivaroise des Cévennes échappe au royaume franc, une des frontières passe au hameau Le Frontal.
Au XIIe siècle, la paroisse de Malons est incluse dans la seigneurie des Pelet d’Alès (famille d’Anduze) qui font donation de l’église Saint-Pierre à l’abbaye Sainte-Foy de Conques (1120), pour un court temps. Ce même seigneur fait aussi don de tout le territoires du Salzet à l’ordre militaire des templiers (1130) à qui succèdent les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. La paroisse de Malons à cet date comprend déjà de très nombreux hameaux répartis en quatre quartiers : deux dominent la rivière du Chassezac : La Boissière, La Rouvière et le Faget, celui du Frontal se situe autour de la rivière de Ganière , et le quatrième autour des valats du Salzet et de Pialouzet qui sont tournées vers la Cèze. Elze fait partie d’une autre communauté, celle de Pourcharesses-Elze et-Salce dont les seigneurs sont de Saint-Ambroix et de Naves, mais les habitants dépendent de l’église de Malons. Jusqu’à la Révolution, le lieu où est érigée l’église St-Pierre est vide d’habitants, puisque toutes les terres appartenaient au prieur.
Malgré les fortes pentes, tout le territoire est mis en valeur avec la création de terrasses (les faïsses) sur lesquels petit à petit la châtaigneraie va devenir dominante au XVIe et XVIIe siècles. Un immense travail, toujours à recommencer, pour lutter contre les pluies démolisseuses de murailles, visibles encore sur les faïsses du Frontal. Les différentes altitudes de la commune permettent une production variée de bois, de châtaignes, de seigle et même des oliviers et des noyers. Autour des valats (ruisseaux) de nombreux jardins arrosés par les béals (rigoles). Une polyculture permet la survie. Le compoix (ancêtre du cadastre) de 1694 dénombre 163 propriétaires et 50 à Elze, une population estimée alors à environ 1000 habitants.
Jusqu’à la Révolution française, une grande partie de la paroisse est incluse dans le mandement de Naves, dirigée par cinq coseigneurs, dont un le comte Beauvoir du Roure devient prépondérant à partir du XVIe siècle. Un autre seigneur possède le quartier de Serres, c’est la famille d’Altier qui le vend à un habitant de Villefort. La plupart des affaires judiciaires et notariales des Malonais est réglé au Vans, marché fréquenté pendant des siècles. La grande route royale (Les Vans à Villefort) est bordée par deux auberges celles de la Rousse et celle de Liquemialle où s’arrêtent les muletiers.
La Réforme touche aussi Malons, dont le prieur et le seigneur sont devenus protestants, mais assez vite les missions de conversion ramènent au catholicisme la presque totalité des habitants. Pendant la guerre des camisards, des Malonais font partie des troupes catholiques anti-camisards, une réputation de farouches catholiques.
La petite ère glaciaire (1680-1715) cause un grand nombre de décès à cause de la disette : grains gelés en terre et châtaigniers détruits. La peste de 1721 touche La Rousse et Bournaves. Le XVIIIe siècle est une meilleure période avec la plantation de mûriers ce qui permet l’élevage des vers à soie dont les cocons sont portés aux filatures des Vans, la mise en exploitation des mines du mas de l’Ayre (plomb argentifère) et la construction de l’église du Frontal. La population s’accroit ce qui entraine une émigration des Malonais vers le plat pays pour faire les « saisons », ou définitivement.
Pendant la Révolution, les Malonais sont restés très conservateurs, s’ils apprécient la suppression des droits féodaux, ils soutiennent leur curé réfractaire. Celui-ci d’ailleurs a participé au camp de Jalès des monarchistes qui veulent supprimer la république.
Le XIXe siècle est le siècle des changements : enfin l’école s’installe durablement à Malons et essaime dans les hameaux plus éloignés : Elze, Cessenades, Le Frontal, Le Salzet et Elze. Elze construit son église. Des chemins sont viabilisées permettant de désenclaver les hameaux. Malons a un record de 80 km de routes communales à entretenir. Les vers à soie et les châtaignes donnent l’illusion de continuer à vivre au pays, peu de Malonais émigrent vers les mines. La commune atteint son maximum de population en 1866 (1220 h), puis assez rapidement , c’est la dégringolade. Celle-ci est accentuée par le reboisement obligatoire des pâturages qui pénalise les éleveurs de moutons. La guerre de 1914-18 accentue la désertification. Avec 43 morts aux combats, la commune fait partie de celles qui ont payé chèrement, dans le canton (de Génolhac).
Petit à petit, au vu des recensements de populations, les maisons ferment. Dans des hameaux éloignés, Le Faget, la Boissière, Le Furgon, Vézoles, Elze, Cessenades, Bournaves, Pialouzet, La Plaisse, Liquemiaille, Rimbals ou Serres, ne vivotent plus que des anciens. Le creux de la vague est atteint en 1968 avec moins de 100 habitants, chiffre encore difficile à surmonter au XXIe siècle. Malons et Elze ont aussi bénéficié de la vague hippie des années 1970, on les appelait « les bourruts » qui ont permis de maintenir la commune, mais se sont peu enracinés. Depuis ces années, d’autres populations, les vacanciers, les résidents secondaires, les revenus au pays et aussi les nouveaux ruraux qui développent une agriculture de proximité, animent la commune et rassemblent la population et leurs amis, lors de la fête votive de la St Pierre ou la fête du Frontal. Des hameaux ont été restaurés, souvent en essayent de préserver le caractère des maisons et des fermes.
À admirer : l’église St-Pierre avec ses beaux chapiteaux et sa fenêtre extérieure, le château d’Elze (XIVe siècle), le rucher de bruscas (ruches en tronc de châtaignier) de Cessenades, la très ancienne croix en pierre du Salzet, le rocher gravé du Taravel à Malons chef-lieu, la fontaine de La Plaisse et le grandiose escalier de faïsses du Frontal.
Bibliographie
Costier, Marie-Thérèse, Malons, économie et société, 1650-1789, mémoire d’histoire moderne, Université de Lyon II, 1975.
Dumas, Marie-Lucy, avec la participation de Marie-Thérèse Costier et Marie-Claude Durand, Malons-et-Elze, gens terroirs des hautes Cévennes, Gens et terroirs des hautes Cévennes, 3ème édition, 2014.
Chas, Édouard, Le Frontal, un hameau des hautes Cévennes de 1935 à nos jours, sans date, sans éditeur.
